The Project Gutenberg EBook of Les deux amis de Bourbonne, by Denis Diderot This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.net Title: Les deux amis de Bourbonne Author: Denis Diderot Editor: Jules Assézat Release Date: April 25, 2009 [EBook #28603] Language: French Character set encoding: ISO-8859-1 *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LES DEUX AMIS DE BOURBONNE *** Produced by Laurent Vogel and the Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) [Extrait des OEuvres complètes de Diderot, éditées par Jules Assézat, 5ème volume, Paris, Garnier Frères, 1875.] LES DEUX AMIS DE BOURBONNE (Écrit en 1770--Publié en 1773) NOTICE PRÉLIMINAIRE Voici la Notice qui précède ce conte dans l'édition Brière: «Au mois d'août 1770, Diderot[1] vint à Bourbonne-les-Bains, près de Langres, pour y voir une amie qui avait mené sa fille aux eaux dans l'espérance de lui rendre la santé altérée par les suites d'une première couche. Il trouva ces dames occupées, pour se désennuyer, à écrire des contes qu'elles adressaient à leurs correspondants de Paris. L'un d'eux venait à son tour de leur envoyer les _Deux Amis, conte iroquois_ que Saint-Lambert avait fait paraître peu de jours après sa réception à l'Académie française. Diderot eut l'idée de riposter par l'histoire des _Deux Amis de Bourbonne_, dont la simplicité contraste d'une manière si touchante avec la prétention du conte de Saint-Lambert. Cet écrit, échappé sans effort à la plume du philosophe, et dans lequel on retrouve des personnages contemporains, fut adressé par la jeune malade, ou la _petite soeur_, au _petit frère_, son correspondant, qui lui avait envoyé le conte iroquois.» Nous n'avons à ajouter à ce qui précède que deux mots. Les dames que retrouva Diderot à Bourbonne étaient Mme de Meaux et Mme de Prunevaux, sa fille. Le conte passa pour être de cette dernière, et comme son correspondant le croyait vrai, elle dut avoir de nouveau recours à Diderot pour le compléter. C'est à ce même moment que Diderot fit une courte excursion à Langres. Il revint de ce voyage ayant en portefeuille, outre les _Deux Amis de Bourbonne_, l'_Entretien d'un père avec ses enfants_, inspiré par la visite de la maison paternelle. Sur ces entrefaites, Gessner lui fit demander, comme une faveur, quelques pages pour accompagner la traduction de ses _Nouvelles Idylles_. Il lui donna les deux morceaux qui furent insérés en tête des _Contes moraux et Nouvelles Idylles de MM. D... et Gessner_ (Zuric, chez Orel, Gessner, Fuessli et Cie, 1773, petit in-8º), sous ce titre: _Contes moraux_ de M. D... Ils ont été souvent réimprimés. Voici ce que dit à ce sujet Gessner, dans la préface de l'édition in-4º ornée de frontispice, figures, en-têtes et culs-de-lampe gravés à l'eau-forte par lui-même (1773, IV, 184 pages. Zuric, chez l'auteur): «Les premiers ouvrages de M. Gessner ont été reçus si favorablement dans les païs étrangers et surtout en France, qu'il ne s'intéresse pas moins à la traduction[2] de celui-ci qu'à l'original même... «M. Gessner a communiqué son projet aux amis qu'il a à Paris, et particulièrement à M. D..., dont l'approbation lui a toujours été si précieuse. Cet homme célèbre a eu la bonté de lui envoyer en manuscript les deux contes moraux qui précèdent la traduction des _Nouvelles Idylles_. M. Gessner se trouve heureux de pouvoir offrir à la France un présent qu'elle recevra sans doute avec plaisir et qui sera le monument d'une amitié que la seule culture des lettres a fait naître entre deux hommes que des contrées éloignées ont toujours tenus séparés.» Dans la préface de l'édition des _Idylles_ de Gessner, illustrées par Moreau (1795), Renouard dit qu'il a pu corriger sur les manuscrits annotés par Diderot, _et qui étaient en sa possession_, le texte des _Deux Amis de Bourbonne_ et de l'_Entretien d'un père et de ses enfants_. C'est de ces deux contes que l'abbé de Vauxcelles, dont nous avons déjà parlé (_Notice_ du _Supplément au voyage de Bougainville_), disait qu'ils faisaient au milieu des _Idylles_ de Gessner l'effet «de satyres parmi des nymphes!» Disons, par contre, que Goethe, dans ses _Mémoires_, constate que les _Deux Amis_ firent une vive impression dans le petit cercle des étudiants allemands, à Strasbourg, où il était alors. «Nous fûmes ravis, dit-il, de ses braves braconniers, de ses vaillants contrebandiers, canaille poétique, qui ne tarda pas à venir faire des siennes sur le théâtre allemand:» dans _les Brigands_ de Schiller d'abord. * * * * * Nous recommanderons, comme complétant ce que nous avons pu dire à propos de l'annexe de la _Religieuse_, l'annexe des _Amis de Bourbonne_: «Et puis, il y a trois sortes de contes...» LES DEUX AMIS DE BOURBONNE Il y avait ici deux hommes, qu'on pourrait appeler les Oreste et Pylade de Bourbonne. L'un se nommait Olivier, et l'autre Félix; ils étaient nés le même jour, dans la même maison, et des deux soeurs. Ils avaient été nourris du même lait; car l'une des mères étant morte en couche, l'autre se chargea des deux enfants. Ils avaient été élevés ensemble; ils étaient toujours séparés des autres: ils s'aimaient comme on existe, comme on vit, sans s'en douter; ils le sentaient à tout moment, et ils ne se l'étaient peut-être jamais dit. Olivier avait une fois sauvé la vie à Félix, qui se piquait d'être grand nageur, et qui avait failli de se noyer: ils ne s'en souvenaient ni l'un ni l'autre. Cent fois Félix avait tiré Olivier des aventures fâcheuses où son caractère impétueux l'avait engagé; et jamais celui-ci n'avait songé à l'en remercier: ils s'en retournaient ensemble à la maison, sans se parler, ou en parlant d'autre chose. Lorsqu'on tira pour la milice, le premier billet fatal étant tombé sur Félix, Olivier dit: «L'autre est pour moi.» Ils firent leur temps de service; ils revinrent au pays: plus chers l'un à l'autre qu'ils ne l'étaient encore auparavant, c'est ce que je ne saurais vous assurer: car, petit frère, si les bienfaits réciproques cimentent les amitiés réfléchies, peut-être ne font-ils rien à celles que j'appellerais volontiers des amitiés animales et domestiques. À l'armée, dans une rencontre, Olivier étant menacé d'avoir la tête fendue d'un coup de sabre, Félix se mit machinalement au-devant du coup, et en resta balafré: on prétend qu'il était fier de cette blessure; pour moi, je n'en crois rien. À Hastembeck[3], Olivier avait retiré Félix d'entre la foule des morts, où il était demeuré. Quand on les interrogeait, ils parlaient quelquefois des secours qu'ils avaient reçus l'un de l'autre, jamais de ceux qu'ils avaient rendus l'un à l'autre. Olivier disait de Félix, Félix disait d'Olivier; mais ils ne se louaient pas. Au bout de quelque temps de séjour au pays, ils aimèrent; et le hasard voulut que ce fût la même fille. Il n'y eut entre eux aucune rivalité; le premier qui s'aperçut de la passion de son ami se retira: ce fut Félix. Olivier épousa; et Félix dégoûté de la vie sans savoir pourquoi, se précipita dans toutes sortes de métiers dangereux; le dernier fut de se faire contrebandier[4]. Vous n'ignorez pas, petit frère, qu'il y a quatre tribunaux en France, Caen, Reims, Valence et Toulouse, où les contrebandiers sont jugés; et que le plus sévère des quatre, c'est celui de Reims, où préside un nommé Coleau, l'âme la plus féroce que la nature ait encore formée. Félix fut pris les armes à la main, conduit devant le terrible Coleau, et condamné à mort, comme cinq cents autres qui l'avaient précédé. Olivier apprit le sort de Félix. Une nuit, il se lève d'à côté de sa femme, et, sans lui rien dire, il s'en va à Reims. Il s'adresse au juge Coleau; il se jette à ses pieds, et lui demande la grâce de voir et d'embrasser Félix. Coleau le regarde, se tait un moment, et lui fait signe de s'asseoir. Olivier s'assied. Au bout d'une demi-heure, Coleau tire sa montre et dit à Olivier: «Si tu veux voir et embrasser ton ami vivant, dépêche-toi, il est en chemin; et si ma montre va bien, avant qu'il soit dix minutes il sera pendu.» Olivier, transporté de fureur, se lève, décharge sur la nuque du cou au juge Coleau un énorme coup de bâton, dont il l'étend presque mort; court vers la place, arrive, crie, frappe le bourreau, frappe les gens de la justice, soulève la populace indignée de ces exécutions. Les pierres volent; Félix délivré s'enfuit; Olivier songe à son salut: mais un soldat de maréchaussée lui avait percé les flancs d'un coup de baïonnette, sans qu'il s'en fût aperçu. Il gagna la porte de la ville, mais il ne put aller plus loin; des voituriers charitables le jetèrent sur leur charrette, et le déposèrent à la porte de sa maison un moment avant qu'il expirât; il n'eut que le temps de dire à sa femme: «Femme, approche, que je t'embrasse; je me meurs, mais le balafré est sauvé.» Un soir que nous allions à la promenade, selon notre usage, nous vîmes au-devant d'une chaumière une grande femme debout, avec quatre petits enfants à ses pieds; sa contenance triste et ferme attira notre attention, et notre attention fixa la sienne. Après un moment de silence, elle nous dit: «Voilà quatre petits enfants, je suis leur mère, et je n'ai plus de mari.» Cette manière haute de solliciter la commisération était bien faite pour nous toucher. Nous lui offrîmes nos secours, qu'elle accepta avec honnêteté: c'est à cette occasion que nous avons appris l'histoire de son mari Olivier et de Félix son ami. Nous avons parlé d'elle, et j'espère que notre recommandation ne lui aura pas été inutile. Vous voyez, petit frère, que la grandeur d'âme et les hautes qualités sont de toutes les conditions et de tous les pays; que tel meurt obscur, à qui il n'a manqué qu'un autre théâtre; et qu'il ne faut pas aller jusque chez les Iroquois pour trouver deux amis. Dans le temps que le brigand Testalunga infestait la Sicile avec sa troupe, Romano, son ami et son confident, fut pris. C'était le lieutenant de Testalunga, et son second. Le père de ce Romano fut arrêté et emprisonné pour crimes. On lui promit sa grâce et sa liberté, pourvu que Romano trahît et livrât son chef Testalunga. Le combat entre la tendresse filiale et l'amitié jurée fut violent. Mais Romano père persuada son fils de donner la préférence à l'amitié, honteux de devoir la vie à une trahison. Romano se rendit à l'avis de son père. Romano père fut mis à mort; et jamais les tortures les plus cruelles ne purent arracher de Romano fils la délation de ses complices. * * * * * Vous avez désiré, petit frère, de savoir ce qu'est devenu Félix; c'est une curiosité si simple, et le motif en est si louable, que nous nous sommes un peu reproché de ne l'avoir pas eue. Pour réparer cette faute, nous avons pensé d'abord à M. Papin, docteur en théologie, et curé de Sainte-Marie à Bourbonne: mais maman s'est ravisée; et nous avons donné la préférence au subdélégué Aubert, qui est un bon homme, bien rond, et qui nous a envoyé le récit suivant, sur la vérité duquel vous pouvez compter: «Le nommé Félix vit encore. Échappé des mains de la justice, il se jeta dans les forêts de la province, dont il avait appris à connaître les tours et les détours pendant qu'il faisait la contrebande, cherchant à s'approcher peu à peu de la demeure d'Olivier, dont il ignorait le sort. «Il y avait au fond d'un bois, où vous vous êtes promenée quelquefois, un charbonnier dont la cabane servait d'asile à ces sortes de gens; c'était aussi l'entrepôt de leurs marchandises et de leurs armes: ce fut là que Félix se rendit, non sans avoir couru le danger de tomber dans les embûches de la maréchaussée, qui le suivait à la piste. Quelques-uns de ses associés y avaient porté la nouvelle de son emprisonnement à Reims; et le charbonnier et la charbonnière le croyaient justicié, lorsqu'il leur apparut. «Je vais vous raconter la chose, comme je la tiens de la charbonnière, qui est décédée ici il n'y a pas longtemps. «Ce furent ses enfants, en rôdant autour de la cabane, qui le virent les premiers. Tandis qu'il s'arrêtait à caresser le plus jeune, dont il était le parrain, les autres entrèrent dans la cabane en criant: Félix! Félix! Le père et la mère sortirent en répétant le même cri de joie; mais ce misérable était si harassé de fatigue et de besoin, qu'il n'eut pas la force de répondre, et qu'il tomba presque défaillant entre leurs bras. «Ces bonnes gens le secoururent de ce qu'ils avaient, lui donnèrent du pain, du vin, quelques légumes: il mangea, et s'endormit. «À son réveil, son premier mot fut: «Olivier! Enfants, ne savez-vous rien d'Olivier?--Non,» lui répondirent-ils. Il leur raconta l'aventure de Reims; il passa la nuit et le jour suivant avec eux. Il soupirait, il prononçait le nom d'Olivier; il le croyait dans les prisons de Reims; il voulait y aller, il voulait aller mourir avec lui; et ce ne fut pas sans peine que le charbonnier et la charbonnière le détournèrent de ce dessein. «Sur le milieu de la seconde nuit, il prit un fusil, il mit un sabre sous son bras, et s'adressant à voix basse au charbonnier... «Charbonnier! «--Félix! «--Prends ta cognée, et marchons. «--Où! «--Belle demande! chez Olivier.» «Ils vont; mais tout en sortant de la forêt, les voilà enveloppés d'un détachement de maréchaussée. «Je m'en rapporte à ce que m'en a dit la charbonnière; mais il est inouï que deux hommes à pied aient pu tenir contre une vingtaine d'hommes à cheval: apparemment que ceux-ci étaient épars, et qu'ils voulaient se saisir de leur proie en vie. Quoi qu'il en soit, l'action fut très-chaude; il y eut cinq chevaux d'estropiés et sept cavaliers de hachés ou sabrés. Le pauvre charbonnier resta mort sur la place d'un coup de feu à la tempe; Félix regagna la forêt; et comme il est d'une agilité incroyable, il courait d'un endroit à l'autre; en courant, il chargeait son fusil, tirait, donnait un coup de sifflet. Ces coups de sifflet, ces coups de fusil donnés, tirés à différents intervalles et de différents côtés, firent craindre aux cavaliers de maréchaussée qu'il n'y eût là une horde de contrebandiers; et ils se retirèrent en diligence. «Lorsque Félix les vit éloignés, il revint sur le champ de bataille; il mit le cadavre du charbonnier sur ses épaules, et reprit le chemin de la cabane, où la charbonnière et ses enfants dormaient encore. Il s'arrête à la porte, il étend le cadavre à ses pieds, et s'assied le dos appuyé contre un arbre et le visage tourné vers l'entrée de la cabane. Voilà le spectacle qui attendait la charbonnière au sortir de sa baraque. «Elle s'éveille, elle ne trouve point son mari à côté d'elle; elle cherche des yeux Félix, point de Félix. Elle se lève, elle sort, elle voit, elle crie, elle tombe à la renverse. Ses enfants accourent, ils voient, ils crient; ils se roulent sur leur père, ils se roulent sur leur mère. La charbonnière, rappelée à elle-même par le tumulte et les cris de ses enfants, s'arrache les cheveux, se déchire les joues. Félix, immobile au pied de son arbre, les yeux fermés, la tête renversée en arrière, leur disait d'une voix éteinte: «Tuez-moi.» Il se faisait un moment de silence; ensuite la douleur et les cris reprenaient, et Félix leur redisait: «Tuez-moi; enfants, par pitié, tuez-moi.» «Ils passèrent ainsi trois jours et trois nuits à se désoler; le quatrième, Félix dit à la charbonnière: «Femme, prends ton bissac, mets-y du pain, et suis-moi.» Après un long circuit à travers nos montagnes et nos forêts, ils arrivèrent à la maison d'Olivier, qui est située, comme vous savez, à l'extrémité du bourg, à l'endroit où la voie se partage en deux routes, dont l'une conduit en Franche-Comté et l'autre en Lorraine[5]. «C'est là que Félix va apprendre la mort d'Olivier et se trouver entre les veuves de deux hommes massacrés à son sujet. Il entre et dit brusquement à la femme Olivier: «Où est Olivier?» Au silence de cette femme, à son vêtement, à ses pleurs, il comprit qu'Olivier n'était plus. Il se trouva mal; il tomba et se fendit la tête contre la huche à pétrir le pain. Les deux veuves le relevèrent; son sang coulait sur elles; et tandis qu'elles s'occupaient à l'étancher avec leurs tabliers, il leur disait: «Et vous êtes leurs femmes, et vous me secourez!» Puis il défaillait, puis il revenait et disait en soupirant: «Que ne me laissait-il? Pourquoi s'en venir à Reims? Pourquoi l'y laisser venir?...» Puis sa tête se perdait, il entrait en fureur, il se roulait à terre et déchirait ses vêtements. Dans un de ces accès, il tira son sabre, et il allait s'en frapper; mais les deux femmes se jetèrent sur lui, crièrent au secours; les voisins accoururent: on le lia avec des cordes, et il fut saigné sept à huit fois. Sa fureur tomba avec l'épuisement de ses forces; et il resta comme mort pendant trois ou quatre jours, au bout desquels la raison lui revint. Dans le premier moment, il tourna ses yeux autour de lui, comme un homme qui sort d'un profond sommeil, et il dit: «Où suis-je? Femmes, qui êtes-vous?» La charbonnière lui répondit: «Je suis la charbonnière...» Il reprit: «Ah! oui, la charbonnière... Et vous?...» La femme Olivier se tut. Alors il se mit à pleurer, il se tourna du côté de la muraille, et dit en sanglotant: «Je suis chez Olivier... ce lit est celui d'Olivier... et cette femme qui est là, c'était la sienne! Ah!» «Ces deux femmes en eurent tant de soin, elles lui inspirèrent tant de pitié, elles le prièrent si instamment de vivre, elles lui remontrèrent d'une manière si touchante qu'il était leur unique ressource, qu'il se laissa persuader. «Pendant tout le temps qu'il resta dans cette maison, il ne se coucha plus. Il sortait la nuit, il errait dans les champs, il se roulait sur la terre, il appelait Olivier; une des femmes le suivait et le ramenait au point du jour. «Plusieurs personnes le savaient dans la maison d'Olivier; et parmi ces personnes il y en avait de malintentionnées. Les deux veuves l'avertirent du péril qu'il courait: c'était une après-midi, il était assis sur un banc, son sabre sur ses genoux, les coudes appuyés sur une table et ses deux poings sur ses deux yeux. D'abord il ne répondit rien. La femme Olivier avait un garçon de dix-sept à dix-huit ans, la charbonnière une fille de quinze. Tout à coup il dit à la charbonnière: «La charbonnière, va chercher ta fille et amène-la ici...» Il avait quelques fauchées de prés, il les vendit. La charbonnière revint avec sa fille, le fils d'Olivier l'épousa: Félix leur donna l'argent de ses prés, les embrassa, leur demanda pardon en pleurant; et ils allèrent s'établir dans la cabane où ils sont encore et où ils servent de père et de mère aux autres enfants. Les deux veuves demeurèrent ensemble; et les enfants d'Olivier eurent un père et deux mères. «Il y a à peu près un an et demi que la charbonnière est morte; la femme d'Olivier la pleure encore tous les jours. «Un soir qu'elles épiaient Félix (car il y en avait une des deux qui le gardait toujours à vue), elles le virent qui fondait en larmes; il tournait en silence ses bras vers la porte qui le séparait d'elles, et il se remettait ensuite à faire son sac. Elles ne lui dirent rien, car elles comprenaient de reste combien son départ était nécessaire. Ils soupèrent tous les trois sans parler. La nuit, il se leva; les femmes ne dormaient point: il s'avança vers la porte sur la pointe des pieds. Là, il s'arrêta, regarda vers le lit des deux femmes, essuya ses yeux de ses mains et sortit. Les deux femmes se serrèrent dans les bras l'une de l'autre et passèrent le reste de la nuit à pleurer. On ignore où il se réfugia; mais il n'y a guère eu de semaines qu'il ne leur ait envoyé quelques secours. «La forêt où la fille de la charbonnière vit avec le fils d'Olivier, appartient à un M. Leclerc de Rançonnières, homme fort riche et seigneur d'un autre village de ces cantons, appelé Courcelles[6]. Un jour que M. de Rançonnières ou de Courcelles, comme il vous plaira, faisait une chasse dans sa forêt, il arriva à la cabane du fils d'Olivier; il y entra, il se mit à jouer avec les enfants, qui sont jolis; il les questionna; la figure de la femme, qui n'est pas mal, lui revint; le ton ferme du mari, qui tient beaucoup de son père, l'intéressa; il apprit l'aventure de leurs parents, il promit de solliciter la grâce de Félix; il la sollicita et l'obtint. «Félix passa au service de M. de Rançonnières, qui lui donna une place de garde-chasse. «Il y avait environ deux ans qu'il vivait dans le château de Rançonnières, envoyant aux veuves une bonne partie de ses gages, lorsque l'attachement à son maître et la fierté de son caractère l'impliquèrent dans une affaire qui n'était rien dans son origine, mais qui eut les suites les plus fâcheuses. «M. de Rançonnières avait pour voisin à Courcelles, un M. Fourmont, conseiller au présidial de Ch...[7]. Les deux maisons n'étaient séparées que par une borne; cette borne gênait la porte de M. de Rançonnières et en rendait l'entrée difficile aux voitures. M. de Rançonnières la fit reculer de quelques pieds du côté de M. Fourmont; celui-ci renvoya la borne d'autant sur M. de Rançonnières; et puis voilà de la haine, des insultes, un procès entre les deux voisins. Le procès de la borne en suscita deux ou trois autres plus considérables. Les choses en étaient là, lorsqu'un soir M. de Rançonnières, revenant de la chasse, accompagné de son garde Félix, fit rencontre, sur le grand chemin, de M. Fourmont le magistrat et de son frère le militaire. Celui-ci dit à son frère: «Mon frère, si l'on coupait le visage à ce vieux bougre-là, qu'en pensez-vous?» Ce propos ne fut pas entendu de M. de Rançonnières, mais il le fut malheureusement de Félix, qui s'adressant fièrement au jeune homme, lui dit: «Mon officier, seriez-vous assez brave pour vous mettre seulement en devoir de faire ce que vous avez dit?» Au même instant, il pose son fusil à terre et met la main sur la garde de son sabre, car il n'allait jamais sans son sabre. Le jeune militaire tire son épée, s'avance sur Félix; M. de Rançonnières accourt, s'interpose, saisit son garde. Cependant le militaire s'empare du fusil qui était à terre, tire sur Félix, le manque; celui-ci riposte d'un coup de sabre, fait tomber l'épée de la main au jeune homme, et avec l'épée la moitié du bras: et voilà un procès criminel en sus de trois ou quatre procès civils; Félix confiné dans les prisons; une procédure effrayante; et à la suite de cette procédure, un magistrat dépouillé de son état et presque déshonoré, un militaire exclus de son corps, M. de Rançonnières mort de chagrin, et Félix, dont la détention durait toujours, exposé à tout le ressentiment des Fourmont. Sa fin eût été malheureuse, si l'amour ne l'eût secouru; la fille du geôlier prit de la passion pour lui et facilita son évasion: si cela n'est pas vrai, c'est du moins l'opinion publique. Il s'en est allé en Prusse, où il sert aujourd'hui dans le régiment des gardes. On dit qu'il y est aimé de ses camarades, et même connu du roi. Son nom de guerre est le Triste; la veuve Olivier m'a dit qu'il continuait à la soulager. «Voilà, madame, tout ce que j'ai pu recueillir de l'histoire de Félix. Je joins à mon récit une lettre de M. Papin, notre curé. Je ne sais ce qu'elle contient; mais je crains bien que le pauvre prêtre, qui a la tête un peu étroite et le coeur assez mal tourné, ne vous parle d'Olivier et de Félix d'après ses préventions. Je vous conjure, madame, de vous en tenir aux faits sur la vérité desquels vous pouvez compter, et à la bonté de votre coeur, qui vous conseillera mieux que le premier casuiste de Sorbonne, qui n'est pas M. Papin.» LETTRE DE M. PAPIN, DOCTEUR EN THÉOLOGIE, ET CURÉ DE SAINTE-MARIE À BOURBONNE. J'ignore, madame, ce que M. le subdélégué a pu vous conter d'Olivier et de Félix, ni quel intérêt vous pouvez prendre à deux brigands, dont tous les pas dans ce monde ont été trempés de sang. La Providence qui a châtié l'un, a laissé à l'autre quelques moments de répit, dont je crains bien qu'il ne profite pas; mais que la volonté de Dieu soit faite! Je sais qu'il y a des gens ici (et je ne serais point étonné que M. le subdélégué fût de ce nombre) qui parlent de ces deux hommes comme de modèles d'une d'amitié rare; mais qu'est-ce aux yeux de Dieu que la plus sublime vertu, dénuée des sentiments de la piété, du respect dû à l'Église et à ses ministres, et de la soumission à la loi du souverain? Olivier est mort à la porte de sa maison, sans sacrements; quand je fus appelé auprès de Félix, chez les deux veuves, je n'en pus jamais tirer autre chose que le nom d'Olivier; aucun signe de religion, aucune marque de repentir. Je n'ai pas mémoire que celui-ci se soit présenté une fois au tribunal de la pénitence. La femme Olivier est une arrogante qui m'a manqué en plus d'une occasion; sous prétexte qu'elle sait lire et écrire, elle se croit en état d'élever ses enfants; et on ne les voit ni aux écoles de la paroisse, ni à mes instructions. Que madame juge d'après cela, si des gens de cette espèce sont bien dignes de ses bontés! L'Évangile ne cesse de nous recommander la commisération pour les pauvres; mais on double le mérite de sa charité par un bon choix des misérables; et personne ne connaît mieux les vrais indigents que le pasteur commun des indigents et des riches. Si madame daignait m'honorer de sa confiance, je placerais peut-être les marques de sa bienfaisance d'une manière plus utile pour les malheureux, et plus méritoire pour elle. Je suis avec respect, etc. Madame de *** remercia M. le subdélégué Aubert de ses intentions, et envoya ses aumônes à M. Papin, avec le billet qui suit: «Je vous suis très-obligée, monsieur, de vos sages conseils. Je vous avoue que l'histoire de ces deux hommes m'avait touchée; et vous conviendrez que l'exemple d'une amitié aussi rare était bien faite pour séduire une âme honnête et sensible: mais vous m'avez éclairée, et j'ai conçu qu'il valait mieux porter ses secours à des vertus chrétiennes et malheureuses, qu'à des vertus naturelles et païennes. Je vous prie d'accepter la somme modique que je vous envoie, et de la distribuer d'après une charité mieux entendue que la mienne. «J'ai l'honneur d'être, etc.» On pense bien que la veuve Olivier et Félix n'eurent aucune part aux aumônes de madame de ***. Félix mourut; et la pauvre femme aurait péri de misère avec ses enfants, si elle ne s'était réfugiée dans la forêt, chez son fils aîné, où elle travaille, malgré son grand âge, et subsiste comme elle peut à côté de ses enfants et de ses petits-enfants[8]. Et puis, il y a trois sortes de contes... Il y en a bien davantage, me direz-vous... À la bonne heure; mais je distingue le conte à la manière d'Homère, de Virgile, du Tasse, et je l'appelle le conte merveilleux. La nature y est exagérée; la vérité y est hypothétique: et si le conteur a bien gardé le module qu'il a choisi, si tout répond à ce module, et dans les actions, et dans les discours, il a obtenu le degré de perfection que le genre de son ouvrage comportait, et vous n'avez rien de plus à lui demander. En entrant dans son poëme, vous mettez le pied dans une terre inconnue, où rien ne se passe comme dans celle que vous habitez, mais où tout se fait en grand comme les choses se font autour de vous en petit. Il y a le conte plaisant à la façon de La Fontaine, de Vergier, de l'Arioste, d'Hamilton, où le conteur ne se propose ni l'imitation de la nature, ni la vérité, ni l'illusion; il s'élance dans les espaces imaginaires. Dites à celui-ci: Soyez gai, ingénieux, varié, original, même extravagant, j'y consens; mais séduisez-moi par les détails; que le charme de la forme me dérobe toujours l'invraisemblance du fond: et si ce conteur fait ce que vous exigez ici, il a tout fait. Il y a enfin le conte historique, tel qu'il est écrit dans les Nouvelles de Scarron, de Cervantes, de Marmontel... --Au diable le conte et le conteur historiques! c'est un menteur plat et froid... --Oui, s'il ne sait pas son métier. Celui-ci se propose de vous tromper; il est assis au coin de votre âtre; il a pour objet la vérité rigoureuse; il veut être cru; il veut intéresser, toucher, entraîner, émouvoir, faire frissonner la peau et couler les larmes; effet qu'on n'obtient point sans éloquence et sans poésie. Mais l'éloquence est une sorte de mensonge, et rien de plus contraire à l'illusion que la poésie; l'une et l'autre exagèrent, surfont, amplifient, inspirent la méfiance: comment s'y prendra donc ce conteur-ci pour vous tromper? Le voici. Il parsèmera son récit de petites circonstances si liées à la chose, de traits si simples, si naturels, et toutefois si difficiles à imaginer, que vous serez forcé de vous dire en vous-même: Ma foi, cela est vrai: on n'invente pas ces choses-là. C'est ainsi qu'il sauvera l'exagération de l'éloquence et de la poésie; que la vérité de la nature couvrira le prestige de l'art; et qu'il satisfera à deux conditions qui semblent contradictoires, d'être en même temps historien et poëte, véridique et menteur. Un exemple emprunté d'un autre art rendra peut-être plus sensible ce que je veux vous dire. Un peintre exécute sur la toile une tête. Toutes les formes en sont fortes, grandes et régulières; c'est l'ensemble le plus parfait et le plus rare. J'éprouve, en le considérant, du respect, de l'admiration, de l'effroi. J'en cherche le modèle dans la nature, et ne l'y trouve pas; en comparaison, tout y est faible, petit et mesquin; c'est une tête idéale; je le sens, je me le dis. Mais que l'artiste me fasse apercevoir au front de cette tête une cicatrice légère, une verrue à l'une de ses tempes, une coupure imperceptible à la lèvre inférieure; et, d'idéale qu'elle était, à l'instant la tête devient un portrait; une marque de petite vérole au coin de l'oeil ou à côté du nez, et ce visage de femme n'est plus celui de Vénus; c'est le portrait de quelqu'une de mes voisines. Je dirai donc à nos conteurs historiques: Vos figures sont belles, si vous voulez; mais il y manque la verrue à la tempe, la coupure à la lèvre, la marque de petite vérole à côté du nez, qui les rendraient vraies; et, comme disait mon ami Caillot[9]: «Un peu de poussière sur mes souliers, et je ne sors pas de ma loge, je reviens de la campagne.» Atque ita mentitur, sic veris falsa remiscet, Primo ne medium, medio ne discrepet imum. HORAT. _De Art. poet._, v. 151. Et puis un peu de morale après un peu de poétique, cela va si bien! Félix était un gueux qui n'avait rien; Olivier était un autre gueux qui n'avait rien: dites-en autant du charbonnier, de la charbonnière, et des autres personnages de ce conte; et concluez qu'en général il ne peut guère y avoir d'amitiés entières et solides qu'entre des hommes qui n'ont rien. Un homme alors est toute la fortune de son ami, et son ami est toute la sienne. De là la vérité de l'expérience, que le malheur resserre les liens; et la matière d'un petit paragraphe de plus pour la première édition du livre de _l'Esprit_[10]. NOTES [1] Il n'y alla pas seul, il était avec Grimm, qui raconte les faits (_Correspondance littéraire_, 1er décembre 1770) et donne comme motifs ayant déterminé le titre et le sujet du conte, non-seulement les _Deux Amis_, de Saint-Lambert, mais encore les _Deux Amis_, drame de Beaumarchais, et les _Deux Amis_ ou _le Comte de Meralbi_ (par Sellier de Moranville), roman en 4 volumes, tous ouvrages dont on s'occupait alors et qui n'avaient pas eu de succès. [2] C'était Meister le traducteur. [3] Cette bataille, livrée le 26 juillet 1757, fut gagnée par le maréchal d'Estrées contre le duc de Cumberland. (Note de l'édition BRIÈRE.) [4] Bourbonne, alors chef-lieu de subdélégation, était frontière de la Champagne, de la Lorraine et de la Franche-Comté, et il s'y faisait beaucoup de contrebande. (Note de l'édition BRIÈRE.) [5] La route de _Villars_ et celle d'_Iche_. (Note de l'édition BRIÈRE.) [6] Sur une copie qui est en notre possession, _Rançonnières_ est remplacé par _Romainville_, et _Courcelles_ par _Jolibois_. [7] Toutes les éditions portent _Lh..._ au lieu de _Ch..._ Diderot a voulu désigner Chaumont. (Note de l'édition BRIÈRE.) [8] Il est à supposer que nous n'avons pas ici la première version du conte. Nous trouvons dans une lettre à Grimm, du 21 octobre 1770, la preuve qu'il doit avoir subi divers remaniements. Voici, en effet, ce que nous y lisons: «J'avais pensé comme vous que l'atrocité du prêtre ôtait tout le pathétique de l'histoire de _Félix_. Envoyez-moi une copie de cette histoire et de celle d'_Olivier_, et ce que vous me demandez sera fait; mais dépêchez-vous.» Dans une autre lettre du 2 novembre au même, Diderot écrit: «On m'a envoyé le papier de _Félix_, mais on aurait bien fait d'y joindre celui d'_Olivier_ que j'avais demandé, afin de donner aux deux contes un peu d'unité. N'importe, je me passerai de celui qui me manque et je ferai de mon mieux.» Quelle fut la nature des corrections opérées? Nous ne savons; mais peut-être la lettre de M. Papin a-t-elle remplacé une intervention plus directe et plus _atroce_ du prêtre. [9] L'un des meilleurs acteurs de la comédie italienne, deviné par Garrick, et dont Grimm disait qu'il était sublime sans effort. «Personne, écrit-il, ne faisait avec une mesure plus juste tout ce qu'il voulait faire. Le Kain est un homme prodigieusement rare; peut-être Caillot est-il plus rare que lui. Caillot ne se doutait point de son talent; il se croyait fait pour chanter avec beaucoup d'agrément, jouer avec beaucoup de gaieté, avec une belle mine bien réjouie; mais il ne se croyait pas pathétique. Garrick, l'ayant vu jouer pendant son séjour en France, lui apprit qu'il serait acteur quand il lui plairait...» Caillot quitta le théâtre en 1772 et fut remplacé par un jeune abbé appelé Narbonne, échappé de la musique de Notre-Dame. [10] Cette édition ne se fit pas attendre. Condamné en 1759, l'_Esprit_ reparut en 1771 (Londres). Diderot était sans doute au courant de ce qui se préparait. End of Project Gutenberg's Les deux amis de Bourbonne, by Denis Diderot *** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LES DEUX AMIS DE BOURBONNE *** ***** This file should be named 28603-8.txt or 28603-8.zip ***** This and all associated files of various formats will be found in: http://www.gutenberg.org/2/8/6/0/28603/ Produced by Laurent Vogel and the Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) Updated editions will replace the previous one--the old editions will be renamed. Creating the works from public domain print editions means that no one owns a United States copyright in these works, so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United States without permission and without paying copyright royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark. Project Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you charge for the eBooks, unless you receive specific permission. If you do not charge anything for copies of this eBook, complying with the rules is very easy. You may use this eBook for nearly any purpose such as creation of derivative works, reports, performances and research. They may be modified and printed and given away--you may do practically ANYTHING with public domain eBooks. Redistribution is subject to the trademark license, especially commercial redistribution. *** START: FULL LICENSE *** THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free distribution of electronic works, by using or distributing this work (or any other work associated in any way with the phrase "Project Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project Gutenberg-tm License (available with this file or online at http://gutenberg.net/license). Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg-tm electronic works 1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to and accept all the terms of this license and intellectual property (trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your possession. If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a Project Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound by the terms of this agreement, you may obtain a refund from the person or entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8. 1.B. "Project Gutenberg" is a registered trademark. It may only be used on or associated in any way with an electronic work by people who agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works even without complying with the full terms of this agreement. See paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic works. See paragraph 1.E below. 1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation" or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the collection are in the public domain in the United States. If an individual work is in the public domain in the United States and you are located in the United States, we do not claim a right to prevent you from copying, distributing, performing, displaying or creating derivative works based on the work as long as all references to Project Gutenberg are removed. Of course, we hope that you will support the Project Gutenberg-tm mission of promoting free access to electronic works by freely sharing Project Gutenberg-tm works in compliance with the terms of this agreement for keeping the Project Gutenberg-tm name associated with the work. You can easily comply with the terms of this agreement by keeping this work in the same format with its attached full Project Gutenberg-tm License when you share it without charge with others. 1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern what you can do with this work. Copyright laws in most countries are in a constant state of change. If you are outside the United States, check the laws of your country in addition to the terms of this agreement before downloading, copying, displaying, performing, distributing or creating derivative works based on this work or any other Project Gutenberg-tm work. The Foundation makes no representations concerning the copyright status of any work in any country outside the United States. 1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg: 1.E.1. The following sentence, with active links to, or other immediate access to, the full Project Gutenberg-tm License must appear prominently whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work on which the phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the phrase "Project Gutenberg" is associated) is accessed, displayed, performed, viewed, copied or distributed: This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.net 1.E.2. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is derived from the public domain (does not contain a notice indicating that it is posted with permission of the copyright holder), the work can be copied and distributed to anyone in the United States without paying any fees or charges. If you are redistributing or providing access to a work with the phrase "Project Gutenberg" associated with or appearing on the work, you must comply either with the requirements of paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the Project Gutenberg-tm trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or 1.E.9. 1.E.3. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted with the permission of the copyright holder, your use and distribution must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any additional terms imposed by the copyright holder. Additional terms will be linked to the Project Gutenberg-tm License for all works posted with the permission of the copyright holder found at the beginning of this work. 1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm License terms from this work, or any files containing a part of this work or any other work associated with Project Gutenberg-tm. 1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this electronic work, or any part of this electronic work, without prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with active links or immediate access to the full terms of the Project Gutenberg-tm License. 1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary, compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including any word processing or hypertext form. However, if you provide access to or distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format other than "Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official version posted on the official Project Gutenberg-tm web site (www.gutenberg.net), you must, at no additional cost, fee or expense to the user, provide a copy, a means of exporting a copy, or a means of obtaining a copy upon request, of the work in its original "Plain Vanilla ASCII" or other form. Any alternate format must include the full Project Gutenberg-tm License as specified in paragraph 1.E.1. 1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying, performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9. 1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works provided that - You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method you already use to calculate your applicable taxes. The fee is owed to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he has agreed to donate royalties under this paragraph to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments must be paid within 60 days following each date on which you prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax returns. Royalty payments should be clearly marked as such and sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the address specified in Section 4, "Information about donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation." - You provide a full refund of any money paid by a user who notifies you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm License. You must require such a user to return or destroy all copies of the works possessed in a physical medium and discontinue all use of and all access to other copies of Project Gutenberg-tm works. - You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the electronic work is discovered and reported to you within 90 days of receipt of the work. - You comply with all other terms of this agreement for free distribution of Project Gutenberg-tm works. 1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg-tm electronic work or group of works on different terms than are set forth in this agreement, you must obtain permission in writing from both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark. Contact the Foundation as set forth in Section 3 below. 1.F. 1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread public domain works in creating the Project Gutenberg-tm collection. Despite these efforts, Project Gutenberg-tm electronic works, and the medium on which they may be stored, may contain "Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate or corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual property infringement, a defective or damaged disk or other medium, a computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by your equipment. 1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all liability to you for damages, costs and expenses, including legal fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE PROVIDED IN PARAGRAPH F3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH DAMAGE. 1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a written explanation to the person you received the work from. If you received the work on a physical medium, you must return the medium with your written explanation. The person or entity that provided you with the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a refund. If you received the work electronically, the person or entity providing it to you may choose to give you a second opportunity to receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy is also defective, you may demand a refund in writing without further opportunities to fix the problem. 1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO WARRANTIES OF MERCHANTIBILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE. 1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages. If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any provision of this agreement shall not void the remaining provisions. 1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance with this agreement, and any volunteers associated with the production, promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works, harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees, that arise directly or indirectly from any of the following which you do or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause. Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of electronic works in formats readable by the widest variety of computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from people in all walks of life. Volunteers and financial support to provide volunteers with the assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will remain freely available for generations to come. In 2001, the Project Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 and the Foundation web page at http://www.pglaf.org. Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit 501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by U.S. federal laws and your state's laws. The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered throughout numerous locations. Its business office is located at 809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact information can be found at the Foundation's web site and official page at http://pglaf.org For additional contact information: Dr. Gregory B. Newby Chief Executive and Director gbnewby@pglaf.org Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide spread public support and donations to carry out its mission of increasing the number of public domain and licensed works that can be freely distributed in machine readable form accessible by the widest array of equipment including outdated equipment. Many small donations ($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt status with the IRS. The Foundation is committed to complying with the laws regulating charities and charitable donations in all 50 states of the United States. Compliance requirements are not uniform and it takes a considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up with these requirements. We do not solicit donations in locations where we have not received written confirmation of compliance. To SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any particular state visit http://pglaf.org While we cannot and do not solicit contributions from states where we have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition against accepting unsolicited donations from donors in such states who approach us with offers to donate. International donations are gratefully accepted, but we cannot make any statements concerning tax treatment of donations received from outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff. Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation methods and addresses. Donations are accepted in a number of other ways including including checks, online payments and credit card donations. To donate, please visit: http://pglaf.org/donate Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic works. Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be freely shared with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper edition. Most people start at our Web site which has the main PG search facility: http://www.gutenberg.net This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, including how to make donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.